Hellow les amis!
La suite de THTD est enfin arrivée! Voici le chapitre 38, plus long que d'habitude! J'espère qu'il vous plaira.
Bonne lecture!
Chapitre 38
Cris. Douleur. Sang.
Les lames s’entrechoquent. Ainsi
va la danse de la mort.
Hurlement. Blessures. Fin.
Une guerre infinie. Avec pour
seule issue, les ténèbres.
Désespoir. Perte de conscience.
Coups écarlates. Prières
inutiles.
Folie.
Elle se réveilla brusquement, poussant un cri strident. Ses yeux
affolés examinèrent les alentours, ses battements de cœur résonnant à ses
oreilles.
Où… Où suis-je ?
Posant sa main sur son cœur, elle tenta de se calmer. Un soupir s’échappa
de ses lèvres. Une larme glissa le long de sa joue. Elle baissa la tête,
essayant d’oublier ses rêves.
Impossible. C’est impossible.
Elle écarta ses draps, se glissa hors du lit en chancelant. D’un pas
hésitant, elle posa les pieds sur le sol glacé, frissonnant à son contact. Elle
se leva, s’appuya sur la coiffeuse, apercevant son reflet dans le miroir ovale.
Yeux rouges, corps tremblant, cernes creuses. Pitoyable. Passant sa main moite
dans sa chevelure bouclée qui ondulait au grès de l’eau, elle se détacha de
cette vision misérable. Elle s’avança dans sa chambre, titubant à tel point
qu’elle s’écroula au bout de quelques pas.
Vais-je vivre ainsi… pour
toujours ? Me hanteront-t-ils jusqu’à ma mort ?
Son regard chocolat était teinté d’un mélange de souffrance et de
culpabilité. Elle ferma les paupières un instant, repoussant tous les souvenirs
douloureux.
Inspirer… Expirer… Maman m’a
toujours conseillée de respirer profondément quand j’avais peur.
Alors qu’elle rouvrait les yeux, elle se retrouva nez-à-nez avec deux
immenses prunelles rubis. Poussant un cri de surprise, elle se jeta en arrière.
« N’ayez crainte, Maitresse ! Je voulais simplement m’assurer
de votre sécurité. Vous n’avez pas l’air d’être au meilleur de votre forme.
Puis-je vous aider ?
-
Sors ! Je… Je ne veux pas… Sors
immédiatement ! s’écria la jeune femme. »
Seneca sursauta, surprit par la réaction d’Illyana, mais se plia à ses
ordres, se courbant dans une révérence gracieuse avant de quitter la pièce. La
Métamorphe se recroquevilla sur le sol, souhaitant se faire toute petite.
Tellement minuscule qu’elle serait invisible.
Il me retrouverait quand même. Il
me ferait encore souffrir. Et je tuerais encore des innocents. Je ne peux pas y
échapper.
Elle se releva en essuyant ses larmes d’un mouvement rageur. Les autres
ne devaient pas la voir ainsi. Ils ne connaissaient qu’Illyana, la féroce
combattante, la joueuse cruelle et sans-cœur. Ce personnage qu’elle avait bâti
comme un bouclier, un mur de protection entre elle et ce jeu de meurtre. Dans cette
enceinte fortifiée se cachait une minuscule perle, fragile et pure. Cette perle
était tout ce qui lui restait de sa véritable personnalité. Et elle ne la
briserait pas.
La jeune fille marcha jusqu’à la porte, continuant d’essayer de calmer
sa respiration et d’arrêter ses tremblements. Quand elle posa sa main sur la
poignée couleur argent, elle ne frissonnait plus, ses gestes étaient assurés,
son regard déterminé. Elle était redevenue Illyana.
Ouvrant la porte, elle alla vers le hall du Palais où ils avaient prévu
de déjeuner ensemble. Cette journée allait être paisible. Reposante. Il n’y
avait aucune raison de s’inquiéter n’est-ce pas ? Des éclats de voix
venant de l’entrée du château parvinrent à la Métamorphe. Un mauvais
pressentiment se glissa dans son cœur, comme un poison dévorant. Les voix
sonnaient comme des cris. Comme des plaintes. La jeune fille tenta de contrôler
son cœur qui s’affolait, puis descendit les escaliers avec lenteur, son
appréhension grandissant. Suivant les voix, elle ouvrit une grande porte et
arriva enfin face à la scène, qui faillit la faire chanceler.
Siphano était affalé sur un fauteuil, ses cheveux poissés de sang
cachant son visage. De longues cicatrices se dessinaient sur ses bras et son
torse. Non-loin de lui, allongée sur un des canapés aux décorations luxueuse,
Bianca demeurait immobile, les yeux fermés, sa peau livide contrastant avec les
taches écarlates qui la parsemaient. Face à eux se tenait Brioche, la tête
entre les mains, qui fixait ses deux amis avec un air perdu sur le visage.
« Pourquoi vous êtes sortis ?! Qu-qu’est ce qui t’as pris,
Siph ? demandait le bonhomme de pain d’épices, Toi qui es si prudent
d’habitude ! »
Le Guerrier ne répondit pas. Poussant un soupir, il s’avança vers
l’homme-biscuit et posa ses mains sur ses épaules, essayant de le rassurer du
regard.
« Vous auriez pu mourir ! Qu’est-ce que je deviendrais, moi,
si je vous perdais ? Que deviendrait Léo ?
-
Léo ? dit le jeune homme aux yeux saphir,
absent.
-
Oui, Léo ! Et Illy aussi ! Tu imagines
ce qui aurait pu se passer ? Tu imagines ? Vous avez eu de la
chance ! Enormément de chance ! »
Dans d’autres circonstances, voir Brioche passer un savon au Guerrier
serait amusant. Mais devant leurs mines désespérés, leurs corps couverts du
liquide écarlate de la mort, plus rien ne pouvait faire rire. Illyana
s’approcha des deux joueurs et déclara, d’une voix dont elle gomma l’inquiétude
qui la tourmentait :
« Qu’est-ce que tu as encore fait, Siph ? Tu ne sais
décidément pas te débrouiller dans ce monde ! Tu as encore voulu jouer les
héros ? Ou peut-être voulais-tu passer un bon moment en la seule compagnie de Bianca ? »
Ses coéquipiers se tournèrent vers elle, surpris par son apparition
soudaine. Siphano baissa la tête en grognant entre ses dents :
« Tais-toi… Tu ne sais pas… ce qui s’est passé…
-
Explique-nous alors ! Enfin, je ne veux pas
de détails intimes sur ta relation avec Bia…
-
Illy ! Arrête de le rabaisser ! Tu vois qu’il
ne va pas bien ! s’exclama le bonhomme de pain d’épices.
-
Si on ne peut même plus s’amuser… rétorqua la
Métamorphe en s’asseyant, jambes croisées, sur l’accoudoir du fauteuil. »
Le Guerrier lui jeta un regard noir, puis se plaça en face d’elle, aux
côtés de Bianca qui demeurait les yeux clos, tel un cadavre. Son regard s’embuant,
il voulut commencer son récit, pourtant Brioche l’arrêta en s’écriant :
« Attendez ! Je vais chercher Léo, ça t’évitera de raconter
l’histoire deux fois !
-
Léo… n’est pas ici, Bri’, déclara Siphano avec
regret.
-
Ah bon ? Il est où, alors ? Je croyais
qu’il dormait encore ! »
Le jeune homme poussa un profond soupir, hésitant à reprendre la
parole. Quelque chose n’allait pas, Illyana le sentait. Pourtant, elle ne
s’était pas préparée à cela.
« Léozangdar est… la voix du Guerrier se remplit de sanglots, Léo
n’est plus. »
L’homme-biscuit fronça les sourcils. Il n’avait pas compris. Ou ne
voulait pas comprendre. La Métamorphe, elle, avait pleinement conscience de ce
que Siphano venait d’annoncer. Son corps se mit à trembler sans qu’elle ne
puisse l’empêcher. Ses yeux se brouillèrent de larmes qu’elle ravala
immédiatement. Il fallait qu’elle conserve son rôle. Peu importe à quel point
ils allaient la détester.
Brioche murmura faiblement :
« Il… Il n’est plus ? Tu ne veux pas dire qu’il…
-
Et si ! le coupa la jeune femme, Léozangdar
est mort ! »
Siphano posa son regard saphir sur la Métamorphe. Elle y voyait briller
une flamme de haine, de dégout, pour cette indifférence qu’elle avait face à la
mort. Illyana vacilla en apercevant toute cette aversion dans ses prunelles,
mais ne perdit pas son masque moqueur et impassible. Bri’, par contre, ne la
regarda même pas. Ses yeux étaient perdus dans le vague, l’émotion trop
violente lui faisant perdre le contrôle de son esprit. Il ne parvenait pas à
comprendre. Ce n’était pas possible. Dans quelques instants, Léo allait entrer
dans le château, son éternel sourire aux lèvres, et rira de la blague qu’il
leur aurait fait. Il ne pouvait pas avoir disparu. Ces iris d’émeraude ne
s’étaient pas éteints à jamais. Non, Brioche n’y croyait pas.
Quand elle vit l’air désorienté de son ami, la jeune femme s’approcha
de lui. Même si elle devait jouer son personnage, laisser souffrir Brioche
était insupportable. Elle lui prit les mains et avança son visage près du sien.
Illy ne savait pas quoi dire. De toute façon, y avait-il vraiment des mots
pouvant consoler d’une telle perte ? Elle noua ses bras autour du corps du
bonhomme de pain d’épices et le serra contre elle avec douceur, s’empêchant
toujours de se mettre à pleurer.
« Il n’est pas mort. Ce n’est pas vrai. Dis-moi que ce n’est pas
vrai, répétait l’homme-biscuit à son oreille. »
La Métamorphe restait muette, incapable de lui avouer le contraire. Des
larmes perlaient aux yeux du garçon. Il se détacha d’elle, se plaçant face à la
jeune fille, leurs souffles se mêlant.
« Illyana… S’il te plait… »
Elle ne répondit rien, le regard baissé. Alors, Brioche approcha ses
lèvres et embrassa sa bien-aimée, souhaitant s’évader de ce malheur. S’il ne
pouvait pas se convaincre lui-même des mensonges qu’il s’inventait, alors il
lui fallait oublier la dure vérité. Il avait toujours fonctionné ainsi. Oublier
ou ignorer. Remplacer la réalité. Vivre dans un monde de rêves, un monde
enfantin et joyeux. C’était pour cela qu’il avait toujours eu l’air idiot.
Qu’il ne paraissait rien comprendre. Il se protégeait du désespoir extérieur,
s’enfermait dans une bulle où tout paraissait plus beau. Mais en cet instant,
la bulle était sur le point d’éclater. Et si cela arrivait, il ne pourrait pas
résister.
La jeune fille se laissa faire, mais s’écarta de lui rapidement, la
gêne la gagnant. Lorsqu’elle se tournait à nouveau vers Siphano, les joues
légèrement empourprées, la Métamorphe ordonna :
« Raconte-nous donc comment c’est arrivé. Brioche, tu peux sortir
de la pièce si ça te dérange de parler de cela.
-
N… Non, ça ira. Je veux savoir ce qui s’est
passé. »
Le Guerrier opina, les mains tremblantes. Se rappeler de ces événements
allait être douloureux. En parler sera encore pire. Siph se mit à raconter tout
ce qu’il avait vécu, en omettant le fait que Xef était son ami d’enfance. Il ne
parvenait pas à oublier le regard que lui avait porté le Voleur. Il s’en
voulait tant de l’avoir abandonné. Le jeune homme aux yeux bleus modifia
légèrement son récit par rapport à la réalité, faisant croire à ses amis qu’il
avait réussi à faire fuir l’autre joueur en ayant le dessus sur lui lors du
combat. Mais quelque chose le tracassait. Il ne comprenait pas ce que les Mages
faisaient dans cette cavité. Pourquoi Léo avait-il emmené Bianca dans un
endroit aussi dangereux ? La fille du feu avait eu de la chance que son
ami ait parlé à Siph de cette grotte magnifique. Sinon, il ne les aurait jamais
retrouvés et elle serait… Le Guerrier n’osa pas terminer cette pensée. Jamais,
il ne laisserait cela arriver. Observant tristement la Mage immobile qui se
tenait à ses côtés, il se promit de la sortir de cet état. Et de la sortir de
ce jeu.
Soudain, la porte de la salle s’ouvrit, laissant Seneca entrer, la
Princesse des Mers à sa suite. Se glissant auprès de sa maitresse, en ignorant
ouvertement l’homme-biscuit, le serviteur fit une rapide courbette et
annonça :
« Maitresse, ne souhaitez-vous pas vous repaître d’un copieux
petit déjeuné préparé par la conseillère de Sa Majesté ? Vous aurez besoin
de force pour la suite de votre périlleux voyage et je pensais que le meilleur
pour vous serait de demeurer dans votre chambre, après vous être rassasiée.
Vous me paraissez bien pâle.
-
Tu n’as pas à décider de mes actions, Seneca,
rétorqua Illyana, irritée, Surtout que ce n’est pas le moment. Tu penses que
j’ai la tête à penser à de la nourriture alors que l’un d’entre nous est
mort ?! »
Le garçon-chat vacilla en entendant la nouvelle, puis baissa le regard,
honteux.
« Par contre, tu as la tête à faire des plaisanteries de mauvais
goût ! s’exclama Siphano, se relevant d’un coup.
-
Ce n’est pas moi qui ai échoué à les sauver,
petit Guerrier.
-
Tu penses que c’est ma faute s’il est
mort ? cria-t-il, de plus en plus enragé, Tu crois que je le souhaitais,
moi ? Quand je suis arrivé, il gisait déjà à terre ! Je n’aurais pu rien
faire, Illyana ! Au moins, j’ai sauvé Bianca.
-
Tu t’imagines être en position de te faire des
éloges ? continua la Métamorphe, Tu as laissé le joueur fuir ! Cet
homme est dangereux ! Il va sûrement nous attaquer à nouveau… »
Siphano serra les poings, exaspéré, mais sans arguments. Comment leur
expliquer ? Il ne pourrait jamais lever la main sur son frère de cœur, son
complice de toujours. Personne ne serait capable d’un tel acte, à part,
peut-être, cette folle de Métamorphe.
Brioche, décidant enfin à agir, attrapa la main d’Illy et alla vers la
sortie en tirant sur son bras.
« Calme-toi, ma chérie. Ça ne sert à rien de nous disputer. Il
faut… »
La jeune fille, furibonde, retira brusquement son poignet de l’emprise
du bonhomme de pain d’épices, puis s’enfuit de la pièce en hurlant :
« Je ne suis pas ta chérie ! Laissez-moi
tranquille ! »
Seneca suivit hâtivement sa maitresse, jetant au passage un regard noir
à Bri’. Quand ils eurent disparu tous les deux, Cordélia s’avança timidement et
proposa d’une toute petite voix :
« Si… Vous ne souhaitez pas manger… Vous pourriez aller dans…
l’armurerie ? Un nouvel équipement… vous sera peut-être utile… Je crois.
Enfin, ce n’est qu’une proposition… »
Siphano tenta de sourire à la Princesse, même si le cœur n’y était pas,
appréciant sa tentative de consolation maladroite. Pourtant, la fillette avait
raison, ils devaient se réapprovisionner en armes plus puissantes s’ils
voulaient passer les prochaines zones. De plus, il n’avait pas le temps de
pleurer son ami, cela ne menait à rien. Il était certain que s’il l’observait à
ce moment même, Léozangdar l’aurait secoué par les épaules en s’écriant :
« Arrête de pleurnicher, Siph ! Ce n’est pas en sanglotant
que tu vas me faire honneur. Ris et profite de la vie, comme je l’ai toujours
fait. Et veille sur elle. »
Le Guerrier se tourna vers Bianca, détaillant la belle jeune femme qui était
étendue sur le canapé, paraissant sommeiller paisiblement, ses traits délicats
pourtant marqués par la fatigue et le désespoir. S’approchant d’elle et
s’accroupissant à ses côtés, il murmura le plus doucement possible :
« Bianca, veux-tu que je te porte à ta chambre ? Ou manger
quelque chose ? »
La Mage du Feu entrouvrit les yeux, ses paupières mi-closes laissant
apparaitre ses iris d’un vert terne. La flamme qui y brillait auparavant
s’était éteinte, engloutie par les mers de tristesse et de douleur. Elle resta
muette, indifférente aux paroles de son ami. Sans son bien-aimé, la vie était
fade et sans couleurs, la faim qui la tiraillait n’avait aucune importance. Sa
seule issue était de se libérer du lourd fardeau de la vie, mais la jeune fille
ne savait pas comment mettre fin à ce supplice constant. Ses pouvoirs ne
pouvaient lui infliger de dégâts, et elle ne possédait aucune lame. Ses
prunelles décolorées se posèrent soudain sur le fourreau de cuir que portait
Siphano à sa ceinture. Elle savait que le Guerrier ne l’aiderait jamais à en finir
avec ce monde de ténèbres, mais elle avait entendu certaines des paroles de
Cordélia, quelques instants plus tôt. L’armurerie. Là-bas, elle trouverait
sûrement une quelconque lame et un endroit assez isolé pour qu’elle puisse
quitter cette terre. Ouvrant ses fines lèvres, elle souffla le mot avec
peine :
« Ar… murerie. »
Le jeune homme fronça les sourcils, interloqué par sa demande. Pourquoi
souhaitait-elle voir des armes ? Un mauvais pressentiment l’assaillit et
il se promit de ne pas quitter un instant Bianca des yeux.
La belle Mage essaya de se relever, s’appuyant sur sa main tremblante,
mais elle retomba, gémissante, dans les bras de Siphano, incapable de se
déplacer seule. Toutes ses forces l’avaient quittée et la faim la rendait
d’autant plus faible. Le Guerrier la remit lentement sur pieds, la soutenant
avec douceur, puis l’aida à faire quelques pas. Le bonhomme de pain d’épices
s’approcha d’eux pour seconder son ami, mais son compagnon lui fit signe qu’il
se débrouillait, continuant d’épauler la jeune femme. Brioche s’éloigna dans un
soupir, s’engouffrant dans les couloirs labyrinthiques du Palais. Il ne lui
restait plus qu’à aller, une fois de plus, consoler sa bien-aimée - qui
d’ailleurs ne paraissait pas ressentir la même chose à son égard. Alors qu’il
s’approchait de la porte de sa chambre, des voix retentirent au travers de la
porte. Le ton de la Métamorphe paraissait énervé, et même s’il parlait avec
calme, la forte intonation qu’employait Seneca trahissait son agacement. Plaquant
son oreille contre le battant en pierre, l’homme-biscuit se mit à les écouter.
« Arrête de parler de lui comme cela !
-
Ce n’est que pour votre bien, Maitresse…
-
Tu racontes n’importe quoi ! Tu veux juste
l’éloigner de moi ! Si ça se trouve, tu es une marionnette de ce Maitre
qui veut nous anéantir !
-
Je ne connais pas même ce Maitre dont vous
parlez. Je suis simplement en train de vous expliquer le danger que représente
ce misérable biscuit.
-
Je t’ai ordonné de ne pas l’appeler comme
ça !
-
Je ne fais que vous dicter votre futur si vous
continuez votre relation avec lui. Je possède bien plus de connaissances que
vous, Maitresse. Et je suis en mesure de vous certifier que ce garçon ne vous
apportera que des problèmes, ou dans le pire des cas, votre décès.
-
As-tu donc des preuves pour m’annoncer aussi
sûrement que mon seul ami dans ce jeu est un danger pour moi ? »
Brioche entendit le serviteur soupirer avec exaspération. Ses poings se
serrèrent. Comment osait-il le dénigrer ainsi derrière son dos ?
Heureusement, Illyana ne paraissait pas se laisser embobiner par ses mensonges.
Après un long silence, le garçon-chat reprit :
« Je ne peux vous présenter mes preuves tant que vos sentiments à son
égard ne seront pas effacés. Le choc que ces révélations pourraient vous causer
serait regrettable, car il apporterait avec lui la dépression ou même le
suicide. Ce qui serait à éviter.
-
Tu n’as pas de preuves, Senec’. Tu es juste une
IA idiote qui tente de briser mon seul amour pour le bonheur de ton véritable
Maitre, l’abruti qu’est le créateur de ce jeu. »
Ce fut l’insulte de trop. Le serviteur ouvrit violemment la porte et
sortit, enragé par cet entretien. Brioche ne put reculer suffisamment
rapidement et son regard croisa celui de Seneca. Celui-ci hurla, hors de
lui :
« Qu’est-ce que tu fais ici, toi ?! Tu nous espionnais ?
Eh bien, vas-y, entre et convainc ta chère amoureuse de ton innocence ! Tu
verras, plus tard, tu comprendras que j’avais raison ! Vous comprendrez
tous deux votre erreur ! Et ce jour-là, vous regretterez
amèrement ! »
Il s’éloigna sans se retourner, d’un pas claquant qui résonna dans le
couloir. Le bonhomme de pain d’épices resta perplexe, étonné par le
comportement du serviteur, si calme d’habitude. Hésitant, il se glissa dans la
chambre, où était allongée Illyana, les cheveux en bataille et les mains
cachant son visage. Quand elle entendit les bruits de ses pas, elle se releva
soudainement sur son lit, posant un regard voilé de tristesse sur son ami. Celui-ci
s’assit à ses côtés, puis l’enlaça doucement. La Métamorphe ferma les yeux, les
larmes coulant toujours sur ses joues. L’homme-biscuit les essuya d’un geste
rassurant, caressant ses joues claires.
« Ne t’inquiète pas, mon amour. Tout ira bien. »
La jeune fille hocha la tête puis, éclatant à nouveau en sanglots, se
réfugia dans ses bras. Brioche lui releva le menton et l’embrassa, sentant sa
chérie frissonner au contact de ses lèvres. Il passa sa main dans les cheveux de
sa belle, jouant avec ses boucles.
« Je t’aime. »
Alors qu’il déposait un autre baiser sur ses lèvres, il sentit la main
d’Illyana se poser contre son torse, le repoussant lentement. Elle se détacha
de son étreinte, les yeux baissés, rouge et honteuse, pendant que Brioche la
regardait avec étonnement.
« Je… Je ne peux pas, Bri’. »
Le bonhomme de pain d’épices releva un sourcil, ne comprenant pas ce
qu’elle voulait dire. Une idée lui traversa l’esprit et il recula en
bafouillant à toute vitesse, écarlate :
« J-J-Je n’avais pas du tout ça en tête ! Je voulais
simplement te consoler, hein ! P-Pas ça ! »
Illyana le regarda, s’empourprant davantage, elle aussi.
« Moi non plus, je ne parlais pas de ça ! Simplement…, la
jeune fille soupira, je n’arrive pas à t’embrasser… Tu me rappelles quelqu’un… Ça
me trouble.
-
A qui est-ce que je te fais penser ?
demanda le garçon, intrigué.
-
Je ne sais pas bien, Bri’. J’ai juste cette
impression de déjà te connaitre, ça me fait bizarre de te faire des câlins…
-
Tu dois sûrement m’associer à un de tes amis du
monde réel. De mon côté, je suis certain de n’avoir jamais rencontré une fille
aussi déterminée et courageuse de ma vie. Une fille aussi magnifique et
géniale. Une fille qui m’a pris mon cœur. »
La Métamorphe se recroquevilla encore, les joues en feu. Ce garçon
était le seul à parvenir à briser son armure. Il s’intéressait à elle, il la
comprenait, et surtout, il l’aimait. Pourtant, les paroles de Seneca lui
revinrent à l’esprit. Et si tous ces compliments cachaient un plan pour la
détruire ? Et si Brioche n’était pas ce grand enfant qui ignore les
ténèbres de l’existence ? Peut-être que, comme elle, il ne faisait que
jouer un rôle. Ce n’était pas compliqué de jouer les idiots, bien moins
compliqué que d’avoir un personnage sûr de lui et mystérieux.
Secouant la tête pour chasser ces idées négatives, elle se leva de son
lit, puis s’approchant de la porte, elle déclara :
« Allons à la salle à manger… Ensuite, nous jetterons un œil aux
armes.
-
D’accord, mon amour ! s’écria Bri’ en
sautant sur ses pieds. »
Illyana leva les yeux au ciel, sortant de la pièce avec le bonhomme de
pain d’épices à sa suite.
Pendant ce temps, dans l’armurerie, le Guerrier observait les
différentes épées, les pesant d’une main, et jetait de temps en temps des coups
d’œil furtifs vers la Mage. Non-loin de lui, Aypierre cherchait des armures augmentant
l’agilité, mais avec aussi une meilleure défense. Arthur l’accompagnait, à la
recherche de matériel pour compléter son artillerie. Un lourd silence pesait
sur la salle, seulement interrompu par le crissement métallique des armes. Bianca
était plongée dans la contemplation de divers couteaux, aux ornements
majestueux, couverts des métaux les plus précieux. La jeune femme sentait le
regard de Siph fixé sur elle, l’empêchant d’agir. Il s’était placé suffisamment
proche d’elle pour arrêter n’importe quel coup, les mouvements de la Mage étant
ralentis par sa lassitude et sa fatigue. Elle attrapa l’une des armes,
l’approcha de son visage, remarquant que Siphano ne la quittait pas des yeux,
prêt à intervenir. Alors que la lame effleurait sa joue, elle rencontra un mur
invisible, l’empêchant de se plonger dans la peau. Bianca lâcha l’arme dans un fracas
métallique résonnant dans la salle. Elle ne pouvait mettre fin à sa vie, du
moins, pas ici. Le Palais était protégé. Sûrement par ce pouvoir des Mers dont
parlait la conseillère. La belle Mage tomba à genoux, le Guerrier l’attrapant
de justesse et l’empêchant de s’écrouler. Elle voulut se dégager de son
étreinte, le poussant avec le peu de forces qu’elle possédait, mais il la serra
contre lui, l’empêchant de s’échapper.
« Bianca, mourir n’est pas une solution.
-
Qu… Qu’est-ce… que t’en sais…
-
Léozangdar aurait voulu que tu vives, répondit
Siphano en évitant le mot ‘’sacrifice’’ qu’il savait douloureux.
-
Non, il veut… que je le rejoigne…
Laisse-moi ! s’exclama-t-elle en reculant, s’arrachant aux bras
du jeune homme. »
Elle s’effondra sur le sol, tâtant la terre pour récupérer le couteau.
Le Guerrier posa son pied sur l’arme et l’écarta d’un mouvement.
« Ceci ne te sert à rien, Bianca. Je vais te déposer dans ta
chambre, et tu vas te reposer. Avant, mange quelque chose, je suis certain que
tu meurs de faim.
-
Tais-toi ! Je ne t’obéirais pas ! Je…
veux… mourir… Cordélia !
La Princesse des Mers se tourna vers eux.
-
Tues-moi ! S’il te plait ! Tues… moi.
Tu as… certainement… ce droit… »
Cette fois-ci, Siphano perdit patience. Il s’empara de la Mage et se
dirigea vers la sortie de l’armurerie, la jeune femme se débattant avec la
force du désespoir entre ses bras, cognant contre le dos de l’homme, griffant
ses épaules sauvagement. Il ne la lâcha pas, le regard dur et déterminé,
passant sous les yeux du Chevalier et de son compagnon qui les observaient avec
étonnement. Il monta jusqu’à la chambre de son amie, la déposa sur le lit, la
forçant à se tenir tranquille. Elle hurlait, des larmes de rage s’écoulant de
ses yeux, et continuait de frapper le garçon.
Tout à coup, elle cessa de se débattre, les yeux écarquillés. Elle se
figea, aussi immobile qu’une statue de pierre, un air déboussolé sur le visage.
Le Guerrier fronça les sourcils, inquiet.
« Bianca ? Ça va ? »
Mais la Mage ne disait mot, comme prise d’un émerveillement inouï, un
sourire éclatant se dessinant sur ses lèvres. Ses yeux de jade étaient toujours
grands ouverts, la surprise et le bonheur y brillant comme un feu de joie. Ses
lèvres se mirent enfin à bouger, murmurant d’une voix teintée d’espoir :
« Il est… de retour… »
C'est tout pour aujourd'hui! Le dessin de ce chapitre n'est pas vraiment un moment du récit. Il montre Illyana dans sa chambre, observant son reflet, dans le miroir, qui représente son "véritable elle", celle de la vraie vie.
J'espère que vous avez apprécié le texte et l'illustration!
Sur ce, plein de besoux et à la prochaine! <3
Twitter - https://twitter.com/IloSmily
